Entretien avec Ahmed Farjani, du « gouvernement du Fezzan »

Depuis la chute de Moammar Kadhafi en 2011, le Fezzan, région presque aussi grande que la France, située au sud de la Libye, continue à pâtir de son instabilité. Plusieurs groupes de l’opposition – Tchadiens, Soudanais, mais aussi Libyens – ont réussi à instrumentaliser l’incertitude politique qui règne dans le sud à leur profit.

Cette situation alimente en retour les difficultés que rencontrent les citoyens libyens dans leur quotidien. Seul nouvel élément de contexte : l’entrée des forces de l’Armée Nationale Libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar dans le Fezzan, début 2019, et le fait qu’elles aient pu opérer un contrôle entier et inédit de la région. Aucun des gouvernements libyens qui se sont succédé depuis 2011 n’avait réussi à en faire autant.

Pour autant, cela n’a pas mis fin aux critiques émanant de citoyens qui vivent au quotidien attaques, guerres, et abus de la part de formations armées. Ces difficultés se retrouvent dans plusieurs régions, dont les environs de Sebha ; et il est à constater que l’emprise de l’ANL sur le Fezzan n’a pas contribué à les atténuer, bien au contraire.

La situation sécuritaire continue donc à compter parmi les facteurs qui font qu’une certaine élite libyenne, dont les notables et les chefs de tribu, en appellent maintenant à l’institution d’un gouvernement local qui soit propre au Fezzan. Ils souhaitent ainsi mieux répondre aux besoins élémentaires des Libyens, et leur garantir de meilleures performances au niveau des services publics.

Pour mieux comprendre de quoi il en retourne, nous nous sommes entretenus avec Ahmed al-Farjani, initiateur du mouvement pour un « gouvernement du Fezzan ».

 

Premièrement, pouvez-vous nous parler des objectifs de ce « gouvernement du Fezzan » que vous souhaitez mettre en place ?

Nos objectifs sont clairs : nous voulons sécuriser l’ensemble du Fezzan, et le nettoyer des bandes touboues qui travaillent en alliance avec l’État islamique. Il est à noter que cette situation s’est déclarée directement après que l’ANL s’en soit prise aux alliés naturels des Toubous libyens, c’est-à-dire les Toubous originaires du Tchad ainsi que les opposants toubous en général.

Nous souhaitons également que les citoyens du Fezzan récupèrent l’ensemble de leurs droits, civils, économiques, sociaux et politiques, même si cela devait avoir pour prix une fermeture des points d’approvisionnement de la région, ou la clôture des points de passage entre le sud et les régions est et ouest. Notre démarche n’est en rien motivée par un quelconque esprit de vengeance, nous formons partie du peuple libyen. Mais la solution aux problèmes de la Libye proviendra du Fezzan, si Dieu le veut, surtout maintenant que l’on voit clairement comment est et ouest ont eu à souffrir de conflits engagés par des personnes centrées sur la notion de gain politique, et prêtes à tout, même au recours aux armes, afin de prendre le pouvoir.

 

Y-a-t-il des exemples de personnalités, locales ou non locales, qui sont en faveur de votre projet ?

Nous entendons beaucoup de voix au Fezzan qui sont favorables à une solution qui serait d’émanation locale. Nous n’avons aucun contact avec des acteurs basés hors Libye. Par contre, nous sommes en relation avec des personnalités libyennes résidant en-dehors du Fezzan.

 

Peut-on attribuer votre projet, au moins en partie, aux performances limitées dont ont fait preuve les gouvernements qui se sont succédé jusqu’ici ?

Bien sûr. Si les habitants du Fezzan sont en faveur de la constitution d’un nouveau gouvernement sur des bases locales, c’est parce qu’ils n’en pouvaient plus d’une situation caractérisée par une fragilité institutionnelle extrême, sur fond de différends, de luttes pour le pouvoir, d’échec de la part des institutions de l’est et de l’ouest à garantir les besoins de la population, sans oublier les dysfonctionnements prévalant sur le plan des services publics et, plus particulièrement, de la sécurité. Les habitants du Fezzan ont d’ailleurs pour moteur leur dignité, et cela explique pourquoi ils ont donné à ce projet le nom de « gouvernement digne du Fezzan ».

 

D’aucuns pensent que ce gouvernement va échouer dans son action, étant donné surtout que la situation sécuritaire et militaire est prise en main par des corps en provenance de l’est de la Libye.

Nous ne sommes ni avec, ni contre aucun des protagonistes en conflit, à partir du moment surtout où ceux-ci mènent à bien les tâches qui leur incombent, sécurité en tête. Il faut cependant rappeler que ce n’est qu’après l’entrée de l’ANL dans le sud que les membres de l’État islamique se sont alliés avec les Toubous ; auparavant, il n’y avait tout simplement pas d’État islamique dans le Fezzan. J’ajoute à cela le fait que ces « corps en provenance de l’est de la Libye » auxquels vous faites allusion n’existent que par le nom, ils n’existent plus sur le terrain. Oui, il est vrai que l’ANL est entrée dans le Fezzan et y a mené la mission qu’elle s’était fixée ; mais ce n’était que pour s’en retirer ensuite, dans des circonstances troubles, laissant de surcroît la région et ses habitants en proie aux meurtres, aux assassinats et aux déplacements.

 

Que pensent les élites et les tribus de votre projet de gouvernement ? Êtes-vous d’ailleurs en contact avec elles ?

Nous savons que de nombreuses personnalités tribales et membres de l’élite sont en faveur de ce que nous proposons. Cependant, nous ne nous sommes pas mis en rapport avec eux à ce stade. Notre projet est de création récente, cependant que nous avons mis nos efforts sur la question de la constitution de comités de coordination qui auront vocation à faire des propositions à la hauteur des besoins exprimés par l’ensemble de la population du Fezzan. Les premières indications que nous avons nous confortent dans nos attentes : les gens en général perçoivent notre démarche positivement.

 

Pouvez-vous nous parler des principes et des valeurs qui constituent le socle de votre action ?

Bien sûr. Premièrement : nous considérons qu’il est de notre droit de revendiquer la constitution d’un « gouvernement du Fezzan » qui puisse nous apporter de la sécurité tout en nous garantissant nos droits.

Deuxièmement, il n’y a pas de doute sur le fait que, le jour où l’est et l’ouest se mettront d’accord entre eux, nous agirons d’une manière positive et conforme à l’intérêt de la Libye. Nous ne sommes pas des séparatistes ; nous tenons cependant à défendre nos droits, loin des conflits qui agitent le nord du pays.

Notre slogan est clair, et c’est le suivant, comme je l’ai d’ailleurs rappelé précédemment : oui à un gouvernement digne du Fezzan.

 

Pour finir, comment réagissez-vous au fait que l’ancien Premier ministre Ali Zeidan ait rejoint votre mouvement ?

Cela est faux. Notre mouvement n’entretient aucun rapport avec des personnalités politiques type Ali Zeidan.

 

Propos recueillis par Mohammed Sreit

Dépasser l’insécurité (avec la Fundación Alternativas)

Les problèmes de la Libye sont multiples et connus ; mais ils ne sont pas près de s’estomper. Depuis 2011, le pays a évolué au gré d’évènements qui ont accentué les obstacles à son évolution, et augmenté d’autant la difficulté d’y remédier.

Aujourd’hui, l’ONU tente de pleinement s’engager sur la voie pour le dépassement des embûches libyennes. Cependant, les possibilités de procéder à de réelles avancées restent limitées, malgré la détermination de l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé. L’annonce par ce dernier de l’organisation d’une « conférence nationale » à la mi-avril 2019, à Ghadamès, aidera-t-elle à définir des solutions ? A ce stade, peu d’éléments portent réellement à l’optimisme, surtout depuis que « l’homme fort de l’est », le maréchal Khalifa Haftar, a lancé début avril 2019 une opération militaire qui a pour objectif la prise de Tripoli.

Pour mieux comprendre les ressorts de cette situation, le présent article mettra l’accent sur les problèmes de la Libye les plus saillants, et les recommandations à même d’aider le pays à avancer de manière plus positive. Pour ce, nous reviendrons en premier lieu sur les évènements les plus importants qui ont marqué la Libye depuis 2011 ; nous traiterons ensuite de la situation prévalant, à niveau national, sur le plan politico-sécuritaire, avant d’élargir notre analyse à la donne géopolitique régionale, et de formuler des recommandations à l’adresse de ladite « communauté internationale », Union européenne et Espagne comprises.(Poursuivre la lecture)

 

 

Les Soudanais vivent-ils leur propre “Printemps arabe” ?

Les Soudanais vivent-ils leur propre “Printemps arabe” ? Depuis la mi-décembre 2018, une série de nouvelles manifestations populaires sont apparues, allant jusqu’à culminer dans une vingtaine de villes à ce jour.
Même cas singulier du Darfour mis à part, le phénomène n’est pas nouveau. Fin janvier 2011, le Soudan avait connu l’impact du “Printemps arabe”. Celui-ci retombera ensuite, dans un contexte de proclamation par le Soudan du Sud de son indépendance. Les manifestations se feront à nouveau vives en 2013 ; la réaction du pouvoir sera alors sanglante, faisant des centaines de morts, selon les recensements de diverses associations des droits de l’homme. Le Soudan n’en est donc pas à son coup d’essai ; pourtant, la phase qu’il traverse aujourd’hui est nouvelle à plusieurs égards. Ainsi de l’étendue géographique des manifestations, qui touche à ce stade quelques dizaines de villes, contrairement aux précédents de 2011 et de 2013, où la donne était, quelques exceptions mises à part, plutôt restée confinée à la capitale soudanaise et à ses environs.
De même concernant les catégories socioprofessionnelles soudanaises contestataires ; aujourd’hui, les manifestations ne se limitent pas – ou plus – aux couches les plus modestes du pays. Le “syndicat des professionnels”, agrégat de catégories sociales incluant les classes dites moyennes ou supérieures de la société — médecins, ingénieurs ou encore professeurs — fait ainsi partie des formations lancées dans ce qui apparaît à de maints égards comme une contestation du pouvoir du président Omar al-Bachir.
Certes, certains manifestants se limitent à une demande de rééquilibrage du pouvoir d’achat ; mais les slogans anti-régime sont aussi là. Les demandes du “syndicat des professionnels”, agrégées à celles de “la population” prise dans son ensemble ainsi qu’aux actions et demandes de structures plus franchement représentatives des “jeunes”, donnent à ce vent de la contestation plus de substance encore. Continuer la lecture

Barah Mikail

« Ce que veut la Libye »: Retour sur la visite du MAE libyen à Madrid

Les problèmes de la Libye sont complexes, mais la manière par laquelle les gouvernements européens les perçoivent sont assez connus. Pays riche en pétrole, route migratoire importante vers l’Union européenne, la Libye est aussi vue par ses voisins septentrionaux comme un pays en proie à l’instabilité politico-sécuritaire et au règne des milices, sur fond de tensions tribales, de sous-développement des infrastructures, ou encore de divisions politiques.

Moins connue chez les Occidentaux est la vision que peuvent avoir les institutionnels libyens de leur propre pays. Cette relative inconnue d’autant plus de pertinence aux propos tenus par le ministre des Affaires étrangères du Gouvernement d’Entente nationale (GEN) libyen, M. Mohammed Taher Sayala, lors d’une réunion qu’il a tenue avec des diplomates, journalistes, hommes d’affaires, experts et observateurs à la mi-septembre 2018 à Madrid, dans les locaux de la Casa Árabe.

Ingérences et diplomatie

S’il considère que le développement économique demeure un moteur privilégié pour l’amélioration de la situation politique à terme, M. T. Sayala ne nie pas pour autant le fait que la Libye doit beaucoup de ses problèmes aux ingérences faites par des pays étrangers, nombre d’entre eux régionaux. Qatar, Émirats arabes unis et Égypte font ainsi partie, à ses yeux, de ces États qui ont fait subir à la Libye, depuis l’année 2011, nombre de désarrois, dont la prolifération massive d’armes à échelle du territoire. Le résultat en a été une forme de militarisation des perspectives inter-libyennes, sur fond de renforcement des milices armées.

Conscient des difficultés qu’il y a à résorber la crise libyenne, M. T. Sayala n’en est pas moins convaincu de ce que les efforts diplomatiques, dont ceux conduits par l’ONU, peuvent aider à avancer positivement. Favorable à des sanctions – ou à tout le moins à des menaces de sanctions – à l’encontre « des » (sic) milices armées en action à Tripoli, Sayala ne voit cependant pas le salut de la Libye autrement que dans la mise en place d’un pouvoir le plus représentatif possible des tendances et des choix de la population libyenne. Il insiste ainsi sur le fait qu’ethnies, « minorités », tout comme les personnes représentant des tendances idéologiques diverses (dont les soufis, ou les Frères musulmans), doivent toutes avoir voix au chapitre. Cette ouverture affichée le pousse d’ailleurs jusqu’à évoquer le cas complexe de l’homme fort de l’est libyen, le général Khalifa Haftar, dont il ne nie en rien, ni le pouvoir, ni le fait qu’il devra continuer à avoir « un rôle » (sic) en Libye.

Le drame migratoire

Reste le problème épineux des migrations. Ici, le ministre libyen des Affaires étrangères voit essentiellement quatre priorités à adresser :

  • La nécessité pour la communauté internationale de promouvoir plus de politiques de développement dans les pays africains, source principale de ces migrations ;
  • L’importance pour les Européens de prendre conscience de ce que les actions à privilégier doivent privilégier la partie frontalière méridionale de la Libye, point de passage privilégié pour les migrants, plutôt que la mer Méditerranée ;
  • L’impératif que consiste l’octroi de plus d’aides financières à la Libye, afin qu’elle puisse régler ses problèmes, en termes notamment de gestion des mouvements de déplacés internes et d’entretien des camps d’accueil des réfugiés ;
  • Le développement de politiques plus efficaces contre les trafiquants en tous genres, et le déploiement de plus de moyens en ce sens.

S’ajoute aux propos du ministre libyen le fait que, selon lui, l’Espagne n’ait toujours pas développé, pour l’heure, une politique digne de ses réels moyens en Libye. Présent certes par l’intermédiaire de la compagnie pétrolière Repsol, Madrid se voit cependant faire remarquer par M. T. Sayala que les Espagnols se font attendre sur d’autres domaines. Et que les Libyens comprennent d’autant moins leur retard que l’Espagne est perçue très favorablement, du fait notamment de son soutien à la révolution de Février-2011. Il suffirait pourtant que Madrid décide de rouvrir son ambassade à Tripoli en signe de bonne volonté, insiste ainsi le ministre libyen des Affaires étrangères. Et de préciser qu’il ne faudrait pas non plus que cette décision tarde trop.

L’impuissance libyenne

L’appel de M. T. Sayala est logique, et tout à fait compréhensible. En dépit de difficultés qu’il ne cache pas, le chef de la diplomatie libyenne sait que son pays traverse une phase critique, pendant laquelle il importe pour Tripoli d’obtenir le plus grand nombre de soutiens internationaux. Les réouvertures d’ambassades, dont 42 sont actives à ce jour, seraient un pas important en ce sens, puisqu’elles suggèreraient – même si cela venait à s’avérer factice – une capacité de la part du Gouvernement d’Entente nationale à faire prévaloir ordre et stabilité – à défaut cependant de souveraineté – sur une partie au moins de son territoire.

La Libye a cependant besoin de bien plus pour se gagner la confiance de ses pairs. Les points évoqués par le ministre libyen des Affaires étrangères sont tous fondamentaux pour la compréhension de la Libye ; mais ils s’accompagnent de la nécessité pour les Libyens, politiciens comme citoyens, de se mettre d’accord sur la nature des institutions dont ils souhaitent bénéficier. Or un tel accord nécessite, outre un texte de référence – tel que celui incarné à ce jour par l’accord de Skheirat (2015) -, la présence de structures de type étatique sur lesquelles bâtir un ordre réel. Celles-ci demeurent pourtant à ce jour inexistantes. Et elles en ajoutent aux difficultés qu’a le GEN à se gagner des soutiens conséquents à sa cause.

La Libye continue aujourd’hui à être un point d’intérêt pour les Occidentaux du fait de trois raisons principalement : l’impact de l’instabilité sur la sous-région et sur les questions de terrorisme ; l’importance et l’ampleur des questions migratoires ; la donne pétrolière. Mais cela ne compense pas le sentiment de perdition qu’ont beaucoup de pays devant la fragmentation poussée des paysages politique, militaire et social libyens. Et l’on demeure dès lors toujours en peine de trouver une sortie de crise pour un pays qui peine à fournir ne serait-ce que des standards basiques, et exploitables, de gouvernance. C’est dire combien la situation libyenne actuelle est amenée à perdurer. Et à quel point la population libyenne serait avisée de prendre son mal en patience, faute d’alternatives viables et concrètes. –

Les minorités en Syrie: Réalités et avenir, par B. Mikail et C. Roussel

Depuis sept ans qu’elle vit un conflit dont les premières victimes sont la population, la Syrie n’en finit pas de susciter passions, polémiques, désaccords, contradictions quant à la réalité des faits qui s’y déroulent, et à la détermination de qui exactement doit répondre du désastre qui y prévaut. Ce phénomène n’est pas nouveau, les divergences et polémiques d’experts sur la manière dont il convenait d’interpréter « la réalité syrienne » ayant, dans les faits, existé bien avant 2011 et le déclenchement du « Printemps arabe ». Mais une nuance de taille est intervenue depuis lors : alors que les ouvrages francophones et experts traitant de la Syrie étaient plutôt limités avant 2011, on a assisté depuis à une inflation des expertises relatives à ce pays – et à la région prise dans son ensemble. Cela n’a fait qu’ajouter de la confusion à la bonne compréhension des réalités syriennes.

Comment, dès lors, prétendre pouvoir décoder les réalités relatives à un phénomène aussi complexe que celui des minorités en Syrie ? La tâche est peu aisée. Les chiffres relatifs à la taille effective de ces communautés ne peuvent être que spéculation, cependant que les mouvements de réfugiés et de déplacés internes qui ont prévalu depuis 2011 ajoutent leur lot de confusion à la réalité démographique syrienne. Il y a cependant moyen, au départ d’une connaissance de certains pans de la Syrie, et par la conduite d’entretiens avec les représentants, membres et spécialistes de ces communautés, d’esquisser des éléments d’appréciation sur plusieurs points. Parmi ceux-ci, la manière par laquelle ces communautés se positionnent devant les évolutions syriennes, la compréhension d’une partie des réalités qu’elles vivent, l’établissement de lignes générales d’appréciation quant à leur répartition sur le territoire, ou encore l’identification de la raison pour laquelle elles lisent – ou non – le pouvoir syrien en termes communautaires.

Si parler de la présence de politiques criminelles en Syrie ne fait à nos yeux aucun doute, les victimes de ces politiques ne se sont pas limitées au cas des minorités, puisque beaucoup des membres de la majorité arabe sunnite du pays ont tout aussi bien payé le prix de ces évolutions. Mais bien que la Syrie dans son ensemble ait souffert de ce qui s’est passé depuis 2011, les minorités ethniques et confessionnelles du pays méritent d’être analysées per se ; leur statut minoritaire les a rendues, généralement, extrêmement vulnérables.

L’étude présente ne prétend ni lever le voile sur toutes les réalités appartenant aux minorités ethniques et confessionnelles en Syrie, ni même bâtir une quelconque notion de « vérité absolue » qui s’imposerait à la compréhension des logiques et de la réalité du pays. Nous ne suggérons pas pour autant que ces minorités incarnent le « pivot » exclusif du pays ; pour preuve, le fait que la situation de la majorité sunnite du pays ait, dans le cadre de cette étude, été abordée aussi à travers plusieurs des dimensions qui lui appartiennent. La Syrie est peut-être faite de communautés aux perceptions parfois divergentes, mais ce n’est pas pour autant que la notion de « sentiment national » y est défaillante.

Barah Mikaïl, Cyril Roussel

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Leyla Hamad: “Le Yémen ne finira uni et centralisé”

Cela fait trois ans que le Yémen est en guerre. A ce stade, rien n’indique une possible sortie de conflit. Pour mieux comprendre les ressorts de la situation yéménite, nous nous sommes entretenus avec Leyla Hamad Zanohero, chercheuse auprès du Centre d’Études arabes et islamiques et d’Études orientales de l’Université Autonoma de Madrid.

Stractegia – La Chambre des Représentants des États-Unis a voté en faveur de l’enquête sur une possible participation américaine aux tortures pratiquées dans les prisons yéménites. Comment cette affaire influence-t-elle la perception qu’ont les Yéménites des États-Unis et de leurs actions ?

Leyla Hamad- Le Yémen est connu pour la force du sentiment anti-américain qui prévaut chez sa population. Ce sentiment s’est amplifié à partir de 2002, avec le début des opérations américaines au Yémen, et plus précisément avec la manière par laquelle les États-Unis ont alors entamé une campagne d’attaques par drones. A titre de rappel, la New American Foundation estime que, depuis 2002, ce sont près de 1500 personnes qui ont péri dans le pays suite à des attaques de drones. Sur un total de 263 attaques, une a été menée par l’Administration Bush Jr., 189 par l’Administration Obama, et, pour l’heure, 79 par l’Administration Trump.

La lutte anti-terroriste au Yémen reste à ce jour une priorité de la politique étrangère américaine. Quand, en 2015, le personnel diplomatique et militaire américain en poste au Yémen fut évacué, les États-Unis perdirent, dans une large mesure, leur capacité à opérer dans le pays ; cela affecta en particulier les moyens dont ils disposaient sur le plan du renseignement. L’entrée des forces militaires émiraties sur le terrain, en vue de la prise du port de Mukalla, permit aux États-Unis de retrouver une présence indirecte au Yémen. Depuis, l’alliance américano-émiratie s’est renforcée, et bien que les États-Unis aient longtemps insisté sur le fait qu’ils se limitaient à l’octroi de conseils, plusieurs hauts gradés américains se sont vus in fine dans l’obligation de reconnaître qui leur implication directe dans des opérations d’arrestation de membres présumés d’al-Qaida, qui leur participation aux interrogatoires menés par les Yéménites et/ou par les Émiratis.

C’est là un point sensible de la coopération américano-émiratie. Un panel d’experts des Nations Unies a dénoncé, dans l’un de ses rapports, les pratiques menées par les Émiratis dans des prisons clandestines au Yémen. Ces pratiques s’étendent sur un champ large qui inclut coups et administration de décharges électriques. D’autres rapports d’enquête font également état de sévices tels que les brûlures, entre autres types de torture. C’est dans ce contexte que la Chambre des Représentants des États-Unis a approuvé la constitution d’une commission d’enquête amenée à clarifier la question de la participation d’Américains aux opérations de torture pratiquées dans les prisons clandestines au Yémen. En tout état de cause, qu’elles aient été directes ou indirectes, ces actions supposées de la part de contingents américains ne font qu’accroître le sentiment anti-américain qui prévaut au Yémen. Ce ressentiment est amplement récupéré par le djihadisme international, cependant que frustration et sentiment d’aliénation prévalent jusque dans les rangs de Yéménites n’étant pourtant pas partisans d’idées radicales.

Stractegia – Qui est en mesure de faire pression sur les États du Golfe engagés au Yémen de manière à ce qu’ils acceptent de dialoguer avec les Houthis ?

Leyla Hamad – Les États-Unis et l’Union européenne sont les acteurs les plus en mesure d’exercer les pressions les plus significatives sur les pays du Golfe ainsi que sur les pays membres de la Coalition engagée au Yémen aux fins de permettre la mise en place d’un dialogue pour la paix. Mais malheureusement, cette éventualité paraît encore lointaine. Car dans les faits, tant les États-Unis que le Royaume-Uni ainsi que d’autres pays membres de l’Union européenne, comme l’Espagne, vendent armes et moyens militaires aux pays membres de la Coalition. Les États-Unis, comme je le soulignais à l’instant, sont engagés de fait dans cette guerre. Parallèlement à leur participation à des actions visant des membres d’Al-Qaïda, participation reconnue par des hauts gradés américains, il existe aussi de fortes présomptions sur le fait qu’ils pourraient être impliqués dans des opérations directes menées contre les Houthis. C’est ainsi que Abdelmalek al-Houthi, leader actuel du mouvement houthi, avait accusé les Américains d’être directement responsables de la mort de Saleh al-Sammad, président (houthi) du Conseil Politique Suprême. Cependant, d’autres sources pointent une possible responsabilité émiratie pour cette mort, l’autre grand allié des États-Unis dans la guerre du Yémen. En tout état de cause, des opérations telles que celle menée contre Saleh al-Sammad rendent plus difficile le processus de négociation, surtout lorsque l’on sait que ce dernier était considéré comme une figure conciliatrice, et un possible médiateur entre les Houthis et la Coalition. D’ailleurs, al-Sammad avait une réunion prévue avec l’envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen une semaine après la date de sa mort.

Le nouvel envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, Martin Griffiths, s’avère être la figure qui suscite maintenant le plus d’espoirs pour ce qui relève des perspectives de paix au Yémen. Le travail qu’il a entrepris jusqu’ici s’est avéré prometteur, étant donné surtout qu’il a fait le choix de mener à bien un processus plus inclusif, et plus en phase avec la réalité de la guerre en cours au Yémen. Il est cependant trop tôt pour afficher un quelconque type de triomphalisme, étant donné surtout que quand bien même il réussirait à obtenir des engagements de la part de l’ensemble des parties principales au conflit yéménite, ceux-ci resteraient lettre morte tant qu’ils ne seraient pas appuyés, sinon par les États-Unis, au moins par leurs partenaires saoudien et émirati.

Stractegia – Les Nations Unies ont mis en garde de ce que toute opération visant à mettre la main sur le port de Hodeida pourrait avoir un effet négatif sur l’entrée d’aides humanitaires au Yémen. Si la Coalition venait à prendre le contrôle du port, quel serait, selon vous, le scénario auquel il faudrait s’attendre, et qui serait le plus touché par cette situation ?

Leyla Hamad – Hodeida est le port principal du Yémen. Avant la guerre, 41% des revenus douaniers du pays y transitaient. Jusqu’ici, le port était contrôlé par les Houthis ; c’est aussi, apparemment, le point de passage par lequel l’Iran approvisionne ces derniers en missiles. Mais c’est aussi par le port de Hodeida que l’essentiel de l’aide humanitaire et des importations principales de nourriture entrent. D’après les rapports émanant de spécialistes chevronnés du Yémen, les Houthis retirent grâce aux droits de douane – dont l’essentiel est prélevé via Hodeida – environ 10 milliards de Riyals yéménites, soit l’équivalent de 30 millions de dollars. Le tout sans oublier que ce port est le principal point d’accès du pays à la mer.

Récemment, les environs de Hodeida se sont transformés en champ principal de bataille au Yémen. La Coalition s’appuie, sur la côte est, sur ladite « Résistance Nationale Yéménite », qui est composée elle-même de diverses formations : la Résistance de Tihama, les troupes terrestres émiraties, des forces salafistes et, d’apparition plus récente, des unités de l’ancienne Garde républicaine d’Ali Abdallah Saleh, dirigées maintenant par son gendre et neveu, Tarek Saleh. Il y a un peu plus d’un mois, Tarek Saleh s’est joint aux rangs de la Coalition. La recrudescence des combats de ces derniers jours a permis à ces forces d’avancer en direction du port. Or, si les États-Unis ont déclaré ne pas soutenir la prise de Hodeida, cependant que les Émiratis disaient de leur côté qu’ils n’y entreraient pas tant qu’ils n’auraient pas obtenu un feu vert américain au préalable, Abu Dhabi avait finalement fait savoir qu’elle n’avait pas le contrôle sur l’ensemble des forces combattantes présentes sur la côte est du Yémen, suggérant par-là que leur entrée à Hodeida était une possibilité.

L’envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen a développé tous les efforts possibles et imaginables pour freiner l’offensive sur le port de Hodeida, et obtenir des Houthis un retrait en échange du placement de Hodeida sous supervision directe des Nations Unies, conformément à une recommandation du panel d’experts des Nations Unies sur le Yémen. Cette issue, outre qu’elle garantirait l’absence d’exploitation de ce port par les Iraniens aux fins de livrer des missiles aux Houthis, garantirait surtout la possibilité pour l’aide humanitaire de bénéficier aux 22 millions de Yéménites qui en dépendent. Il faut dire que, comme le rappellent les Nations Unies et nombre d’organisations opérant au Yémen, ce port constitue la bouée de secours à laquelle s’accrochent beaucoup de Yéménites en situation de détresse. De plus, toujours selon les Nations Unies, des combats au sein même de la ville de Hodeida pourraient générer quelque 340 000 déplacés.

En plus de ces conséquences dévastatrices pour la population yéménite, il convient de souligner que la prise de Hodeida aurait valeur de revers considérable pour le processus de paix et pour la médiation internationale menée par l’envoyé spécial des Nations Unies, à un moment surtout où les canaux de communication paraissaient rouverts et où des avancées étaient en cours.

Par ailleurs, il y a consensus sur le fait que la prise de Hodeida représenterait un point d’inflexion de la guerre, en ce sens qu’elle donnerait l’impression que l’on cherche à pousser les Houthis à se rendre ou, à tout le moins, à accepter de négocier dans des termes qui seraient plus favorables à la Coalition. Cependant, et sans vouloir ici minimiser l’impact qu’une telle prise aurait sur les Houthis, il est certain que ceux-ci n’en continueraient pas moins à contrôler un vaste territoire incluant la capitale du pays. De plus, il ne faut pas sous-estimer les coûts afférents à la prise de Hodeida, en termes humanitaires bien sûrs, mais aussi politiques. L’entreprise de médiation s’en verrait durablement affectée, sans compter les conséquences qu’aurait une telle prise sur l’image de la coalition, tout comme sur les enjeux politiques internes aux États-Unis, du fait de l’opposition que pourrait manifester une frange du Congrès américain à la nature des activités menées par les alliés de Washington au Yémen.

Stractegia – A-t-on des preuves de l’existence de liens forts entre l’Iran et les Houthis ?

Leyla Hamad – Cela fait un moment que les médias parlent de la guerre du Yémen comme d’une « guerre par procuration » opposant l’Arabie saoudite à l’Iran. En effet, on ne peut plus parler aujourd’hui de la situation qui prévaut au Yémen comme d’une guerre à caractère civil que les Houthis mèneraient contre le président Abdrabbo Mansour Hadi ; ce conflit a pris une dimension régionale, voire internationale. Aujourd’hui, il y a une multitude d’États et de forces armées qui interviennent dans cette guerre, contribuant à ce que sa résolution soit chaque jour plus difficile et plus complexe.

Tant les États-Unis que leur partenaire saoudien accusent l’Iran de financer les Houthis, qu’ils perçoivent comme une force militaire relevant du pouvoir iranien. Il y a pléthore de preuves de ce que les Iraniens appuient les Houthis ; cependant, il est difficile de dire jusqu’à quel point ce soutien prévaut. Selon le dernier rapport du panel d’experts de l’ONU, certains missiles lancés par les Houthis vers l’Arabie saoudite proviennent d’Iran.

Ce qui est sûr, c’est que, jusque 2011, et malgré ce que l’ancien président Ali Abdallah Saleh avançait quant au risque incarné par le « croissant chiite » sur la Péninsule arabique, les relations entre l’Iran et le mouvement houthiste étaient plutôt limitées, rendant assez improbable le fait que Téhéran ait pu être à l’époque une source de financement directe pour ces derniers. En contrepartie, il est possible que plusieurs acteurs pro-Iraniens installés au Yémen aient fourni une aide aux Houthis ; on retrouve parmi eux les Hawzas ainsi qu’un certain nombre d’œuvres caritatives.

Mais jusqu’alors, les différences de credo entre Houthis, Zaydites et chiites duodécimains d’Iran avaient empêché l’émergence d’une alliance plus importante entre ces acteurs. Ce n’est qu’à partir de 2011, et plus particulièrement à partir de 2015, avec le début des bombardements saoudiens au Yémen, que l’Iran augmentera de manière conséquente son soutien aux Houthis. Plusieurs experts considèrent que, bien que le Yémen ne constitue pas une priorité pour l’Iran, son alliance avec les Houthis lui a octroyé la possibilité de mettre à épreuve les capacités défensives de l’Arabie saoudite, ainsi que de jauger la réaction américaine aux attaques lancées par les Houthis en direction du territoire saoudien.

Stractegia – Selon vous, existe-t-il un quelconque type d’accord politique qui pourrait solutionner les problèmes du Yémen ? Quels seraient dès lors ses fondements ? Un rôle plus important pour des individus, des tribus, des partis par exemple ?

Leyla Hamad – Les manquements de la Conférence de réconciliation nationale organisée entre 2012 et 2014 montrent qu’effectivement, si l’on souhaite mettre en place un processus de paix durable au Yémen, il y a alors nécessité de donner chapitre à l’ensemble des forces politiques et sociales présentes au Yémen, y compris celles d’entre elles dont les actions nous paraissent critiquables. Dit autrement, toute nouvelle médiation doit s’avérer plus inclusive que celles auxquelles nous avons assisté entre 2012 et 2014.

Jusqu’ici, les chances de concrétisation de la paix au Yémen se sont vues contredites essentiellement par le fait que chacune des parties en conflit croyait pouvoir l’emporter militairement. Cette conviction de leur part a fait que personne ne s’est senti l’obligation d’accepter des compromis politiques. On peut aussi ajouter à cela le fait qu’aucune des parties en guerre n’a subi des conséquences aussi lourdes que la population civile, qui est exténuée au bout de quatre ans de conflit.

De plus, la médiation menée à bien par les Nations Unies s’est accompagnée, dès le début, de lourdes erreurs structurelles qui rendaient impossible la concrétisation d’un accord. Comme nous le soulignions plus tôt, le conflit yéménite n’a plus rien à voir avec une guerre de type binaire ; c’est une guerre qui implique de nombreux acteurs, nationaux comme régionaux. Or la médiation onusienne a agi jusqu’ici comme si les Houthis et le gouvernement al-Hadi étaient les deux seuls acteurs qui devaient parvenir à des accords aux fins de contracter la paix. Or, outre que cette perspective n’est pas réaliste, elle n’aiderait pas plus à trouver une solution au conflit en cours.

Par ailleurs, la question des légitimités pose aussi problème, car à ce jour, ni les Houthis ne représentent l’ensemble des forces du Nord, ni al-Hadi ne représente l’ensemble des forces anti-Houthis. Cela rend d’autant plus capitale une participation active au processus de paix de la part de l’ensemble des formations politiques et armées opérant in situ.

Il faut aussi voir que la médiation onusienne a pris jusqu’ici pour texte de référence la résolution 2216, dont les termes sont obsolètes, et qui prévoit des préconditions à la négociation dont la faisabilité est plus que douteuse ; parmi celles-ci, l’exigence d’un désarmement et d’un retrait des Houthis, ou encore la demande que l’Iran cesse de soutenir les Houthis. Les Houthis considèrent qu’ils ne sont pas dans une situation qui les obligerait à accepter ces conditions, car ils ne gagnent certes pas la guerre, mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont en train de la perdre.

Heureusement, tout indique que le nouvel envoyé spécial de l’ONU, Martin Griffiths, prévoit de mener à bien une médiation bien plus inclusive que celles qui ont prévalu sous ses deux prédécesseurs.

Stractegia – Croyez-vous que nous nous trouvons face à un risque de partition du Yémen à moyen ou à long terme ?

Leyla Hamad – Les risques de partition du Yémen doivent être sérieusement pris en compte maintenant, c’est un fait. D’ailleurs, l’un des motifs avancés par les Houthis pour justifier la prise de Sanaa fut précisément ce plan fédéral proposé par le président Abdrabbo Mansour Hadi en 2014, mais qui ne satisfaisait pas leurs attentes.

Qui plus est, les risques de partition du Yémen ont prévalu avec insistance ces dernières années, et plus particulièrement à partir de 2007, avec l’établissement d’al-Hirak, ce mouvement méridional qui veut une sécession avec le Nord. La différence, c’est qu’à l’époque, le Hirak n’était pas un mouvement aussi structuré qu’aujourd’hui. Et, plus globalement, on voit bien comment l’une des conséquences de la guerre d’Irak se traduit par cette prolifération d’acteurs qui prennent de plus en plus de poids et d’influence dans différentes régions du pays. Résultat : nous nous trouvons aujourd’hui, au sud du Yémen, face à un mouvement sécessionniste qui gagne régulièrement en autonomie, en capacité d’organisation, en moyens militaires, cependant qu’il dispose de ses propres institutions, infrastructures, leadership, appareil militaire et moyens de renseignement, et se voit légitimé à échelle locale tout en disposant d’appuis à l’international. Tous ces éléments font penser que la proclamation par le sud de son indépendance vis-à-vis du Nord est une possibilité sérieusement posée aujourd’hui. Les dynamiques engagées, qui touchent tant à la question du pouvoir qu’à celle liée au contrôle du territoire, seront ainsi difficilement réversibles par truchement d’un accord de paix. Maints acteurs ont gagné en autonomie ces dernières années ; pour autant, il faudra compter avec toutes ces forces locales pour savoir quelle sera la forme du Yémen de demain. Il paraît en effet peu réaliste de penser, au vu de la situation actuelle, que le Yémen finira uni et centralisé.

Propos recueillis par Ronny Nehme, assistant de recherche à Stractegia

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