L’effet Trump, un article de B. Mikail dans Liberté

Il arrive aux tweets du président américain Donald Trump de transmettre des messages dignes d’attention, tant ceux-ci ont le mérite de nous en apprendre sur nous-mêmes. Ainsi, selon le chef de la première puissance mondiale, la défaite de Daech serait imminente, et les pays européens se devraient de rapatrier leurs quelque 800 ressortissants djihadistes faits prisonniers en Syrie.
Cette déroute en voie d’être achevée de Daech que Donald Trump suggère se vérifie en partie : le long de ces quatre à cinq dernières années, l’organisation a subi des frappes considérables qui ont eu des conséquences sur son étendue géographique et sur son leadership. Rappelons que cet étiolement doit aussi beaucoup à la Russie. Quand Moscou a procédé à la mise en place de sa propre coalition anti-Daech, fin 2015, l’équivalent mis en place par les États-Unis un an plus tôt avait échoué à faire la différence. “L’effet Poutine” donnera un coup de fouet à la stratégie anti-Daech déployée en Irak et, surtout, en Syrie.

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Vivre avec Bachar: la bataille pour Idleb, un article de B.Mikail

Il faut se faire à une réalité : la Syrie a vocation à demeurer un satellite russe et iranien, plutôt qu’un pays prompt à composer avec les pays occidentaux et leurs volontés.

Il n’y a plus matière à se demander si la bataille d’Idleb aura lieu ; celle-ci est déjà lancée, et les cris d’alarme de l’ONU et de diverses organisations devant ses potentielles conséquences humanitaires confirment le sérieux de la situation. Les bombardements et attaques des aviations russe et syrienne sur des zones du sud et du sud-ouest d’Idleb ne sont pas des ballons d’essai ; ils ont vocation à parachever la reconquête par Damas des territoires qu’il a perdus depuis 2011.

Porter le coup final aux formations extrémistes opposées au régime syrien, comme dans le cas de Hayat Tahrir al-Sham (une extension de l’organisation al-Qaïda), compte au rang des objectifs officiels annoncés par Moscou ; faire de la reconquête d’Idleb le symbole achevé de la victoire de Damas – et de ses alliés – sur les ennemis du pouvoir syrien est aussi l’objectif sollicité.

Reste que cette vision des faits ne peut faire l’économie d’une réflexion tactique, liée, elle, à la question turque. Ankara soutient en effet un agrégat de formations regroupées sous le nom de Front de libération nationale, qu’il laissera difficilement tomber, sauf à se voir proposer de sérieuses garanties sur la place des intérêts turcs devant l’avenir de la Syrie.

Quitte d’ailleurs, pour les observateurs, à se désoler – à juste raison – de voir que ces mêmes considérations l’emportent sur des faits d’ordre humain et humanitaire ; Idleb est une province peuplée de quelque trois millions de civils, dont beaucoup pourraient payer de leur vie le prix de cet assaut. (Lire la suite)

Barah Mikail

 

*Cet article est paru initialement sur le site de Middle East Eye – Version française en date du vendredi 7 septembre 2018. Version intégrale à lire à l’adresse Internet : https://www.middleeasteye.net/opinions/vivre-avec-bachar-la-bataille-pour-idleb-1618118564

Les minorités en Syrie: Réalités et avenir, par B. Mikail et C. Roussel

Depuis sept ans qu’elle vit un conflit dont les premières victimes sont la population, la Syrie n’en finit pas de susciter passions, polémiques, désaccords, contradictions quant à la réalité des faits qui s’y déroulent, et à la détermination de qui exactement doit répondre du désastre qui y prévaut. Ce phénomène n’est pas nouveau, les divergences et polémiques d’experts sur la manière dont il convenait d’interpréter « la réalité syrienne » ayant, dans les faits, existé bien avant 2011 et le déclenchement du « Printemps arabe ». Mais une nuance de taille est intervenue depuis lors : alors que les ouvrages francophones et experts traitant de la Syrie étaient plutôt limités avant 2011, on a assisté depuis à une inflation des expertises relatives à ce pays – et à la région prise dans son ensemble. Cela n’a fait qu’ajouter de la confusion à la bonne compréhension des réalités syriennes.

Comment, dès lors, prétendre pouvoir décoder les réalités relatives à un phénomène aussi complexe que celui des minorités en Syrie ? La tâche est peu aisée. Les chiffres relatifs à la taille effective de ces communautés ne peuvent être que spéculation, cependant que les mouvements de réfugiés et de déplacés internes qui ont prévalu depuis 2011 ajoutent leur lot de confusion à la réalité démographique syrienne. Il y a cependant moyen, au départ d’une connaissance de certains pans de la Syrie, et par la conduite d’entretiens avec les représentants, membres et spécialistes de ces communautés, d’esquisser des éléments d’appréciation sur plusieurs points. Parmi ceux-ci, la manière par laquelle ces communautés se positionnent devant les évolutions syriennes, la compréhension d’une partie des réalités qu’elles vivent, l’établissement de lignes générales d’appréciation quant à leur répartition sur le territoire, ou encore l’identification de la raison pour laquelle elles lisent – ou non – le pouvoir syrien en termes communautaires.

Si parler de la présence de politiques criminelles en Syrie ne fait à nos yeux aucun doute, les victimes de ces politiques ne se sont pas limitées au cas des minorités, puisque beaucoup des membres de la majorité arabe sunnite du pays ont tout aussi bien payé le prix de ces évolutions. Mais bien que la Syrie dans son ensemble ait souffert de ce qui s’est passé depuis 2011, les minorités ethniques et confessionnelles du pays méritent d’être analysées per se ; leur statut minoritaire les a rendues, généralement, extrêmement vulnérables.

L’étude présente ne prétend ni lever le voile sur toutes les réalités appartenant aux minorités ethniques et confessionnelles en Syrie, ni même bâtir une quelconque notion de « vérité absolue » qui s’imposerait à la compréhension des logiques et de la réalité du pays. Nous ne suggérons pas pour autant que ces minorités incarnent le « pivot » exclusif du pays ; pour preuve, le fait que la situation de la majorité sunnite du pays ait, dans le cadre de cette étude, été abordée aussi à travers plusieurs des dimensions qui lui appartiennent. La Syrie est peut-être faite de communautés aux perceptions parfois divergentes, mais ce n’est pas pour autant que la notion de « sentiment national » y est défaillante.

Barah Mikaïl, Cyril Roussel

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